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Quelques témoignages


Quelques témoignages

Tous ces récits sont authentiques, seuls les prénoms sont fictifs. Ils racontent comment chacun a donné sens, avec plus ou moins de succès, au proverbe africain « On ne voyage pas avec sa marmite ». Ce ne sont pas des modèles, ce sont seulement des exemples.

Ci-dessous 5 témoignages : Joëlle, Mireille, Marie-Jeanne, Valérie et Régine.

 

 

Témoignage de Joëlle :

Je me redis la phrase intérieurement.
Puis, je vois dans ma tête une marmite qui ressemble à un chaudron de sorcière, des Africains dans un paysage africain, désertique, aride, des cases ; ça ressemble à des images de reportages sur l’Afrique. La marmite est posée par terre dans le sable.
Je vois des Africains qui voyagent chez des inconnus. Ils partent à pied, sans bagage, en situation de précarité et en tout cas, sans la marmite.
Je sens la chaleur, la faim, la soif.
Je me dis que je ne connais pas ce dicton.
Je cherche à en comprendre le sens en visualisant et imaginant des scènes, différents scénarios, différentes histoires et en me parlant.
Je me vois dans mon contexte, ma réalité, dans les différents pays du Tiers-Monde où j’ai voyagé.
J’imagine des situations où c’est moi qui voyage et je donne du sens au proverbe en me parlant : « On n’a pas de souci à se créer, on aura toujours à manger ; il faut croire à l’abondance de la vie, au devoir d’hospitalité, aux valeurs de solidarité ».
Je me vois alors dans ma situation actuelle, au chômage, avec mes peurs ; le proverbe devient un discours rassurant.
Il y a une consolidation de mes valeurs de solidarité dans la vie, au travail.
La marmite n’est plus concrète, la nourriture devient symbolique sous forme de besoins de rencontres, culture, projets, affection, relations, connaissance, nourriture spirituelle, …
Cela me donne un sentiment de réassurance, de paix, de sécurité et de confiance en moi et dans la vie.

 

 

Témoignage de Mireille :

Joli proverbe ! Que va-t-il évoquer dans mon esprit ? Sans tarder cependant je prends la décision de dépasser la perplexité qu’il suscite en moi.
Après quelques minutes de concentration, j’évoque l’idée du voyage, j’entre donc mentalement dans le voyage.
Dans un premier temps, j’évoque visuellement dans ma tête le mot « voyage » que je vois écrit devant moi. Je m’attarde un instant sur l’Y, lorsque j’entends une voix masculine épeler ce mot V-O-Y-A-G-E.
Déjà le voyage commence pour moi car je me vois assise dans un fauteuil confortable dans un avion. Je mets du mouvement dans l’image (l’avion), du déplacement. On entre dans la successivité. J’entends le bruit sourd du moteur et je me sens détendue. A ce stade-ci, je me vois en tant que spectatrice extérieure.
Sans transition, je me vois descendre de l’avion et un car me transporte avec d’autres passagers au bord de la mer, une mer bleue, sans agitation, dont le remous est si agréable à entendre.
Le ciel est sans nuage. Je me vois au repos dans une chaise longue, le soleil est chaud, il brûle ma peau. Je suis dans une attitude de détente, d’oubli total : la béatitude.
Un léger brouhaha me parvient : quelques paroles échangées ici et là par mon entourage, un bruit sourd et agréable.
Je m’entends relire le proverbe qui défile devant mes yeux : « On ne voyage pas avec sa marmite ». Le mot marmite réapparaît devant mes yeux ; je le vois et il résonne dans ma tête avec ma propre voix.
A ce moment précis, je m’aperçois dans ma cuisine (de l’extérieur, comme un caméraman). Dans mon image, ma cuisine a perdu sa blancheur pour devenir grise. Soudain, je me sens seule face à cette grosse marmite sur le réchaud. J’y vois bouillir l’eau de mes pâtes. J’entends le bruit de la hotte qui couvre celui du bouillonnement. Je me vois et je m’entends soupirer de lassitude.
Tout n’est qu’opposition : le bleu du ciel, le gris de la cuisine ; la détente du voyage, la lassitude du quotidien ; le bouillonnement de l’eau, le remous de la mer.
Soudain, je me surprends à évoquer de nouveau mon image : je quitte cet univers triste pour m’attabler à la terrasse d’un restaurant lointain, dans le pays de mon voyage imaginaire. Je m’y vois à nouveau détendue. Je hume avec bonheur les plats que le serveur apporte aux convives voisins. J’aime tous ces plats colorés et je prends du plaisir à deviner les épices qui en relèvent la saveur.
Toutes ces évocations ont donné un sens au proverbe, elles m’ont permis de l’interpréter. Ici je raisonne et je me parle : les marmites sont certes encombrantes, mais c’est peut-être dans la tête que l’encombrement est le plus important.
Partir avec sa marmite, c’est « s’encombrer » de peurs : peur de perdre ses habitudes, peur de la différence, peur de l’inconnu. Toutes ces peurs vous paralysent et vous empêchent d’évoluer.
Oublier sa marmite, c’est s’ouvrir à d’autres saveurs, à d’autres coutumes. C’est s’ouvrir tout simplement aux autres, à tout ce qu’ils peuvent vous apporter. C’est enfin accepter une relation d’échange.

 

Témoignage de Marie-Jeanne :

Sachant que ce proverbe est africain, j’ai un a priori positif : il est certainement plein de bon sens et il doit énoncer une vérité remplie d’une sagesse simple et étonnante comme c’est souvent le cas pour les proverbes africains. ! Je vais donc essayer de lui donner sens : peut-être celui qui est déjà là et qui vient de la tradition, mais surtout celui ou ceux que je mettrai moi-même en écho avec ma vie. Cet a priori positif, c’est d’abord un ressenti, une sorte d’enthousiasme dynamique, puis je me parle avec en toile de fond dans ma tête des images : une grande carte d’Afrique et des images concrètes, souvenirs spontanés d’un lointain passé.
D’abord, je relis soigneusement le proverbe en faisant très attention aux mots employés et en essayant de repérer ce qui est essentiel : tout de suite, j’isole deux choses, « voyager » et « marmite ». Un verbe et un nom, deux éléments qui ne vont pas ensemble puisque le verbe est accompagné d’une négation. Je reformule cela par un petit schéma : voyager >< marmite, c’est l’un ou l’autre, pas les deux ! Tout cela, dans ma tête, se traduit par des images : ma carte d’Afrique, toujours présente depuis le début et qui est devenue comme un tapis de sol sur lequel je me déplace ; pour partir en voyage, je me vois marcher sur la carte (je vais d’Ouest en Est) et en outre, j’ai cette marmite à porter : elle a spontanément pris la forme d’un espèce de chaudron, noir, à trois pieds, qui est dans mon salon et me vient de mes grands-parents. Cet objet n’a rien à voir avec l’Afrique, mais une marmite, pour moi, c’est d’abord cela et je vois l’objet clairement dans la pièce où il se trouve maintenant. Voyager dans ces conditions n’est pas possible !
Alors je me dis qu’une marmite pourrait être une simple casserole ou un récipient. J’en vois mentalement plusieurs, de toutes les sortes, mais je trouve que ce n’est vraiment pas intéressant de voyager avec ce type d’ustensile. Un peu comme si ces deux éléments n’allaient vraiment pas ensemble : quand je voyage, je suis tellement contente de quitter mes casseroles !
Je n’ai toujours pas de sens pour ce proverbe, il faut continuer, me dis-je. Le mot marmite est sans aucun doute à prendre au sens figuré puisqu’au sens propre, cela ne donne rien : ma marmite, ne serait-ce pas toutes mes habitudes, mes a priori, mes jugements, mes goûts, mon histoire, … Tout en me disant cela, je revois mon chaudron de tout à l’heure ; je sais que sous le couvercle noir et lourd, il y tout ce que je viens d’énumérer, il est chargé de l’histoire de ma famille et de mon histoire. Le proverbe a donc raison : pour voyager, j’ai intérêt à ne pas m’encombrer d’une telle charge, à partir l’esprit libre pour être prête à découvrir autre chose ! Et notamment la marmite de l’autre !
Il me revient alors à l’esprit un vieux souvenir illustrant bien la situation par son contraire : lors d’un voyage en groupe en Turquie, je me souviens d’une personne qui dès le premier petit déjeuner a sorti son pot de choco (amené de Belgique) parce qu’elle avait peur de ce qu’elle allait trouver comme nourriture en Turquie ! Je revois dans ma tête toute la scène se dérouler, je la revis et je revois aussi ma stupéfaction devant le fait.
Puis, pour vérifier ma compréhension, j’applique le proverbe à plusieurs autres situations vécues et chaque fois, j’ai confirmation que mon interprétation tient la route ; en même temps, chaque exemple me permet d’affiner et d’enrichir le proverbe. Tout cela se fait toujours avec des images qui me viennent en toile de fond sur lesquelles je me parle.
Le sens donné à ce proverbe me réjouit car il confirme mon idée de départ : une sagesse simple, élémentaire même, très utile mais pas facile à appliquer. Il me réjouit aussi car il me reste beaucoup de choses à faire si je veux l’appliquer et en profiter! D’abord, clarifier ce qu’il y a dans ma marmite, voir ce dont je peux me défaire facilement, ce que je dois garder pour conserver mon identité, etc. Puis, découvrir ce qu’il y a dans la marmite des autres, proches ou étrangers. Quel travail ! Que de découvertes en perspective ! Je sens que ce proverbe va m’habiter encore longtemps.

 

Témoignage de Valérie

 

A la première lecture de ce proverbe, ma réaction fut spontanée : un éclat de rire face à cette apparente vérité. Ce geste impulsif traduisait mon incompréhension. Je ressentais le besoin de comparer à tort ou à raison avec un dicton plus familier, à savoir : « On ne va pas au restaurant avec ses tartines ». Cette phrase je l’ai entendue prononcée dans ma tête par une personne extérieure.
J’ai lu à plusieurs reprises les mots du proverbe qui constituaient le seul support à ma réflexion mentale, tantôt cherchant l’idée globale tantôt m’attardant à la signification de chaque mot. Je me suis répétée mentalement le proverbe, c’est moi qui parlais et j’entendais ma voix.
Peut-être ce proverbe signifie-t-il que nous ne partons pas dans d’autres villes ou pays en emportant des aliments à la fois périssables et encombrants ? C’est ainsi l’occasion de goûter aux spécialités locales, de découvrir d’autres cultures et habitudes culinaires. Maints exemples illustrent le fait qu’un mets tant apprécié par un vacancier perd de sa saveur lorsque ce dernier le consomme hors de son contexte.
Une analyse grammaticale et sémantique m’a conduit à cette réflexion :

le sujet « on » indéfini désigne le commun des mortels. Je ne me projette donc pas, mais je ne m’exclus pas non plus.
l’action « voyager » signifie quitter son domicile pour d’autres horizons, se déplacer, aller ailleurs.
la marmite est un contenant servant à cuire des aliments.
Puis-je conclure qu’il est inutile de perdre son temps à cuisiner lorsqu’on décide de partir à la découverte d’autres régions, pays, continents ? Le secteur Horeca, si développé dans notre société de consommation, nous propose diverses formules de restauration où que nous soyons afin que nous consacrions notre temps, si compté, à l’essentiel.
La séparation de ce proverbe en deux groupes de mots met en évidence deux idées distinctes auxquelles j’adhère. La première partie cite le voyage qui évoque pour moi l’évasion, les vacances et non pas un voyage d’affaires. Je peux en faire un projet personnel. La deuxième partie évoque le domaine de la gastronomie, besoin vital. Je n’aime pas cuisiner, mais je déguste avec plaisir. Voici donc l’opportunité d’en faire un but sans se soucier des repas, préoccupation quotidienne d’une mère, soucieuse de proposer une alimentation équilibrée à son entourage.
Pour illustrer ce proverbe, je vois une personne qui s’éloigne sur un chemin, le sac au dos. Ensuite, ma vue s’élargit pour découvrir une carte géographique qui se déploie. Il s’agit d’une planche de bande dessinée à l’encre de Chine. La main du dessinateur peaufine, à vitesse accélérée, les planches suivantes, et moi, en tant que spectateur, je constate que ce personnage emprunte des moyens de transport très diversifiés pour découvrir d’autres continents : l’avion, le train, le vélo, le TGV, le pousse-pousse.
Enfin, je me projette dans une aventure en Thaïlande. Je me promène à dos d’éléphant dans un paysage contenant des éléments visuels, auditifs et olfactifs descriptibles. Ensuite, je visite des édifices et des monuments historiques. Je termine mon parcours imaginaire au marché local que j’arpente en péniche. J’aperçois des échoppes de produits comestibles, mais insolites pour une Européenne.
D’autres phrases telles que « On ne va pas à Montélimar avec son nougat » et « On ne va pas à Francfort avec sa saucisse » sont mieux connues. Dans le cas qui nous préoccupe, la marmite serait-elle l’épouse au fourneau ? Ce conseil est peut-être acceptable dans une civilisation africaine, mais intolérable en Europe. Je n’ai pas envie d’y croire ni de développer davantage le proverbe. Je préfère en rester à l’interprétation du choix judicieux des objets à emporter dans ses bagages.
Le temps s’écoule et les contraintes extérieures à ce travail m’envahissent. Ma motivation diminue progressivement au profit d’un autre projet. Je mets donc fin à ma tâche de compréhension du proverbe.

 

Témoignage de Régine :

 

Qu’est-ce qui me vient en tête lorsque j’évoque ce proverbe ?
Tout d’abord je me redis la phrase mentalement et je revois l’animateur l’écrire au tableau. Je l’entends nous dire qu’il s’agit d’un proverbe africain. Puis c’est clairement une image en mouvement qui me vient à l’esprit : je vois un Africain, torse nu, la taille entourée d’un pagne coloré, en route sur un chemin de terre. Il porte un chaudron. Il est seul sur le chemin. Cette image est un peu comme un film muet : je vois du mouvement, mais je n’entends rien, je ne sens rien, je suis spectatrice, le film se déroule devant mes yeux, je ne fais pas partie du paysage. A la réflexion, le proverbe ne fait aucune mention de l’Afrique, mais j’ai dû me focaliser sur le fait que le proverbe était africain.
Assez bizarrement, l’évocation se bloque à ce stade. Je pense que j’ai besoin de comprendre ce qu’exprime le proverbe pour qu’elle puisse se poursuivre. J’essaie alors de réfléchir à sa signification.
Pour moi, « on ne voyage pas avec sa marmite » signifie que lorsque l’on va à la rencontre des autres, il faut y aller en étant ouvert et prêt à accueillir ce qu’ils ont à m’apporter. Cela peut être très terre-à-terre : si je vais en Italie, je goûterai la nourriture italienne et je n’essaierai pas de retrouver les aliments et les saveurs que je connais (cette référence à la nourriture me vient à l’esprir à cause du mot « marmite »). Je pense que cela peut être pris également dans un sens beaucoup plus abstrait : il faut être prêt à se laisser surprendre par les coutumes, la culture des pays où l’on voyage. Reprenons l’évocation …

Je me redis à nouveau la phrase mentalement. Cette fois-ci, je n’évoque plus rien d’africain car ce sont mes propres voyages qui me viennent à l’esprit.
Je me vois en vacances en Espagne, dans un appartement où nous sommes allés plusieurs fois. Je suis dans la cuisine et je vide le sac de provisions que nous avons apportées de Belgique, avec ce qu’il faut pour manger le premier jour, mais aussi le choco que nous aimons mettre sur la tartine du petit-déjeuner, le fromage qui nous plaît bien, …
Je me vois ensuite sur un marché, devant un étal de légumes, en train de chercher des salades qui ressemblent à la laitue que j’ai l’habitude d’acheter en Belgique !
Ensuite, je me vois en Bretagne sur la place d’un village où il y a des danses folkloriques. Je me revois avec ma famille en spectatrice et je vois les danseurs en mouvement. J’entends le son du biniou, mais ce n’est pas un morceau musical continu.
Mon projet était bien de comprendre le proverbe. J’ai donc essayé de rechercher des liens entre le proverbe et des situations connues qui me permettent de l’expliciter. J’ai mis en relation le mot « voyage » avec mes vacances et l’étape suivante est de me demander si j’applique ou non le proverbe ; je constate que j’ai des comportements différents selon les domaines : en ce qui concerne l’alimentation, je reste plutôt accrochée à ce que je connais et j’évite la nouveauté ; en ce qui concerne la culture, j’ai envie de découvrir de nouvelles choses.
Au total, je suis frappée par le nombre de stéréotypes présents dans nos évocations.

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