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Gestion Mentale
des valeurs // des concepts // des pratiques

Témoignage de Michel Mélotte



professeur de mathématiques dans l’enseignement secondaire technique à l'IND de Malmédy.

A l'occasion d'un niveau 2 en gestion mentale, Michel Mélotte prend conscience de certaines caractéristiques de son fonctionnement dominant. Cette découverte est l'occasion d'un changement appliqué ici à un cours sur les limites en 5e année de l'enseignement technique de transition. Au delà du parcours individuel et de la matière très ciblée, il y a ici une démarche que nous pouvons tous transposer.

Le stage de gestion mentale m'a fait prendre conscience de mes habitudes dominantes. J'ai mesuré combien je suis expliquant. Je crois que j'assommais littéralement mes élèves avec des définitions et des précisions théoriques très longues en début de parcours, ce qui provoquait vite l'ennui et au total était très peu efficace pour aborder cette matière importante. Sans compter que l'esprit d'une école technique est toujours plus tourné vers l'application. Tout cela a été l'occasion d'un changement.

1e étape : Sensibilisation sous forme de provocation.
Pour aborder les limites, je commence par une phase de sensibilisation sous forme de provocation. Je leur expose un aspect du fameux paradoxe de Zénon: pour arriver dans la cible, la flèche soit d'abord parcourir la moitié de la distance, puis la moitié de la moitié restante, et ainsi de suite… elle n'arrivera donc jamais à destination! Cela provoque discussion, tumulte et même presque bagarre…courtoise bien sûr ! J'utilise aussi l'approche du nombre 1: le nombre 0,99999999… avec une infinité de 9 est vraiment égal à 1! Cela choque les élèves, car leur bon sens les persuade que 0,99999999... est plus petit que 1. Et une nouvelle bagarre commence autour de «l’infinité de 9».
Tout cela provoque un déséquilibre et les invite à franchir un pas, à passer de la quantité finie à l'infini (l'infini et les limites sont des notions liées). Ils doivent donc passer du concept de quantité à autre chose. Ils sont invités à se détacher de leurs représentations, à se détacher de leurs "limites", en quelque sorte. C'est un geste d'imagination…
Et s'ils acceptent ce changement, ce "passage", cela leur permettra de construire du sens. C'est ce changement qui les introduit à l'analyse. Sans lui, cette démarche reste privée de sens.

2e étape : Donner à voir.
Ensuite, je "donne à voir" en examinant des graphiques très simples de fonctions possédant des asymptotes (comme le graphique de 1/x, où plus x est grand, plus 1/x est proche de zéro, ce qui se traduit assez clairement par la présence d’une asymptote). Ce sont des choses qu'ils ont déjà rencontrées dans le contexte de l'étude des fonctions. Pour le chapitre qui nous occupe c'est la "traduction" visible de ce que je les invite à découvrir. La calculatrice graphique permet en peu de temps d'examiner quelques exemples supplémentaires.

3e étape : Définir.
Pour suivre, je mets des mots sur les concepts d'infini et d'asymptote. C'est un moment d'arrêt sur les définitions pour arriver entre autres à l'idée que l'infini est un nombre non réel à la fois au sens courant et au sens mathématique du terme.

4e étape : Passage au calcul.
Cette phase suppose la mise en place de moyens concrets pour calculer des asymptotes. Il y a ensuite une phase de drill.

Efficacité et enjeux :
Tout ce parcours est plus efficace. Il leur permet de mieux appréhender le concept d'infini, puis celui de dérivées qui nécessite le passage à l'infini justement.

Ce passage d'un "monde" à un autre est très important. Encore une fois, c'est l'entrée dans l'analyse. L'analyse c'est un autre monde ou, si l'on veut, c'est le monde vu autrement; quelqu'un a pu dire que l'analyse c'est "mettre de l'infini dans du fini". Ce "passage" se retrouve dans d'autres chapitres : quand on passe de la géométrie plane à la géométrie dans l'espace, il faut accepter que ce qui est vrai dans la première ne l'est plus nécessairement dans la seconde. En somme, il s'agit d'accepter l'inconfort qui est une des caractéristiques de la démarche intellectuelle dans son ensemble. Ces moments de passages sont des moments-clés où un effort d'imagination est demandé, c'est le modèle de tout ce qui est construction nouvelle. C'est pour cela que ces moments doivent être accompagnés par un professeur qui sait où il va.

Propos recueillis et mis en forme par Pierre-Paul Delvaux
et parus dans la Feuille d’IF n° 2 en juin 2001.

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