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Gestion Mentale
des valeurs // des concepts // des pratiques

Témoignage d'Edouard Chenoy dans l’enseignement spécialisé


Edouard Chenoy est professeur de cours techniques à l'école d'enseignement spécialisé St Joseph à Geer (Hesbaye). Il pratique le dialogue pédagogique individuel. Les adolescents visés ici ont un handicap léger (type 1) ou sont considérés comme caractériels (type 3).


1. Entrée en matière et attitude fondamentale :

Je prends les élèves individuellement généralement une fois par semaine et je poursuis les entretiens 6 ou 7 semaines.

1.1. L'essentiel des deux ou trois premiers entretiens consiste à établir la confiance.

- En lui demandant : "Que veux-tu améliorer ?" "Qu'attends-tu de moi?", je précise à l'élève qu'à tout moment il peut interrompre le travail, que je suis là pour écouter et que je ne suis pas pressé. Ma démarche est alors vraiment perçue comme la mise à disposition des moyens d'apprendre.
C'est élémentaire pour le praticien de la gestion mentale, mais littéralement bouleversant pour l'élève qui découvre une autre relation pédagogique : "il y a là quelqu'un qui m'écoute et c'est moi qui dirige les choses…"

Dans ce contexte-là, ceux qui viennent par simple curiosité se lassent très vite.

- Par ailleurs, je donne très rapidement quelques conseils simples, applicables tout de suite :
- le petit visuel, qui reste en perception visuelle et qui croit travailler puisqu'il a la perception qui lui convient, est invité à… évoquer,
- le petit visuel qui essaie de se redire le contenu à apprendre est invité à évoquer visuellement,
- certains sont invités à traduire en schéma la leçon à apprendre et vice versa…
- s'ils sont en perception/action et proposent d'aller consulter leur livre ou leur cahier… Je leur propose d'aller dans leur tête…
- Je prends des notes et je leur soumets l'essentiel à la fin de l'entretien et au début de la séance suivante. ela installe l'évocation de synthèse et l'évocation de rappel. Ils sentent qu'ils ont la maîtrise de ce qui se passe.
- Le temps ne pardonne pas ce qu'on fait sans lui… Il faut beaucoup de temps aux élèves peu habitués à s'interroger sur eux-mêmes pour percevoir l'objet de la démarche introspective.
- Je souligne l'importance de l'accueil du P4. En lui-même il est performant mais très mal vu à l'école, en général. Sur ce plan-là aussi le dialogue pédagogique "donne la permission"…

1.2. Une fois la confiance installée, je leur propose d'aller plus loin s'ils le désirent.

Je n'ai pas peur alors de les situer dans la complexité. Je me suis confectionné une grille - ma grille de gestion mentale -. En demi-lune, cette grille reprend tous les éléments de gestion mentale disposés à ma manière. Cette grille a été construite en formation et régulièrement modifiée depuis. Je situe donc les élèves en leur disant qu'ils entrent dans le projet par les buts ou qu'ils privilégient tel paramètre pour son geste de mémorisation… S'ils tombent sur la notion de projet structuré (buts/moyens/messages positifs - j'insiste toujours beaucoup sur ce dernier -) et qu'ils m'interrogent, je leur explique qu'on peut disposer des morceaux de bois n'importe comment, mais que, si on les dispose de façon structurée, ces morceaux de bois deviendront une table ou une chaise… Ils ne comprennent peut-être pas toute la complexité des choses, mais ils se situent et perçoivent qu'il y a d'autres moyens pour apprendre. Mon message implicite est qu'ils peuvent très bien élargir leurs stratégies.

Je prends du temps pour synthétiser les notes prises au cours de l'entretien. Je tâche d'être le plus précis possible sans jamais simplifier ou caricaturer. J'exprime cela en termes de gestion mentale parce qu'ils m'invitent à une plus grande précision.

Au bout de 6 ou 7 entrevues, je fais le point avec eux. Je prévois quelques entrevues supplémentaires pour certains. Pour la plupart, cette clôture est positive. Ils se sont vus avancer. Ils ont senti l'efficacité et surtout ils ont touché du doigt leurs ressources et vécu le fait qu'ils sont les acteurs de leur réussite si modeste soit-elle. Pour cela, l'essentiel est de travailler une petite chose à la fois.

L'écoute, l'accueil inconditionnel, la confiance sont évidemment présents. J'y ajouterai la conviction profonde qu'ils sont capables de progrès, conviction dont ils sentent la sincérité.

Je pratique, de temps à autre, la remédiation avec des élèves de l'enseignement "ordinaire" et je ne vois pas de différences vraiment significatives entre ceux-ci et les élèves de l'enseignement spécialisé.

2. Les supports utilisés

J'utilise des petits textes, des histoires simples, des bandes dessinées, des publicités. Je ne sais pas à l'avance ce qui pourra servir, c'est pourquoi, je me suis constitué une solide réserve.

Je préfère ces mises à la tâche parce qu'il est souvent difficile pour eux d'explorer le processus efficace.

Ces tâches sont très fatigantes pour eux et il vaut mieux qu'elles soient courtes. La fatigue me guette aussi car entrer dans le fonctionnement d'un autre avec respect est difficile quand il est très différent et surtout peut-être quand il me ressemble; je dois alors redoubler de vigilance.

3. Les relations avec les enseignants et les autres intervenants.

L'enseignant complice est évidemment un atout décisif. Certains de mes collègues sont demandeurs et je peux leur suggérer très simplement qu'avec tel élève ils pourraient "raconter ce qu'ils montrent" ou qu'avec tel autre il ne faut pas montrer des schémas…

D'autres sont indifférents, souvent, ils ne connaissent pas. D'autres encore sont hostiles, ils donnent l'impression de défendre un territoire.

Il m'est arrivé d'être invité à présenter ma démarche devant une classe entière, en précisant que cette démarche ne sert pas qu'à l'école. Les conseils de classe me consultent au sujet des élèves que j'ai suivis. Aux questions de mes collègues, je réponds que je n'ai rien "trouvé" moi-même, mais que c'est l'élève qui a trouvé… La collaboration avec les agents PMS, voire même avec des intervenants extérieurs comme les services pédagogiques de l'Université de Liège, est fructueuse à partir du moment où les champs respectifs sont bien définis.

4. Le remédiateur

La position du remédiateur est très différente de celle de l'enseignant face à sa classe. Le remédiateur est plutôt comparable à un chien pisteur. L'enseignant devant sa classe est à la fois le capitaine et le chien pisteur. Position difficile à concilier pour moi.

A titre d'exemple, devant une classe, je les invite quelque fois à me poser des questions comme s'ils étaient le professeur qui prépare l'interrogation ou l'examen, ils me donneront des points que je leur attribuerai ensuite, puisqu'ils ont travaillé. D' abord incrédules, ils commencent à fouiller leurs notes pour en extraire des questions. Pour ce faire, ils évoquent, bien entendu.

5. Etre un chercheur

Ce qui me paraît essentiel c'est l'attitude de recherche que tout ceci a induit chez moi. Souvent les enseignants attendent de trouver des "kits pédagogiques". Les formations m'ont donné des outils de base. A moi de les mettre à ma main. La recherche, les lectures personnelles et les rencontres sont à cet égard indispensables.

Mots-clés : Temps. Confiance. Empathie. Conviction. Recherche.

Propos recueillis et mis en forme par Pierre-Paul Delvaux et parus dans la Feuille d’IF n° 4 en juin 2002.

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